10/10/2018 0 Commentaires Najwa, un courage nouveau
L’intérieur est divisé, et cela semble être le schéma général, en deux pièces : une pièce de réception, comme un salon, autour de laquelle sont disposés des matelas en guise de banquette. Dans un coin le téléviseur sur une petite table, devant une table plus petite encore, sur laquelle je poserai le micro de l’enregistreur, des chaises en plastique. Un ventilateur sur pied rafraîchit la pièce. Les murs sont en deux parties : sur la partie inférieure, la structure de bois est habillée d’un fin grillage pour laisser passer l’air et la lumière, sur la partie supérieure, elle est recouverte d’une bâche plastique qui arrête (mais arrête-t-elle vraiment ?) le vent et le regard. Sur le côté intérieur des tissus sont agrafés à la structure en bois, et on peut les relever si on veut plus d’air et de lumière. Si ce système de ventilation semble approprié aux grosses chaleurs de l’été, je suppose que l’hiver le froid doit être redoutable. Un rideau aussi ferme aux regards la deuxième pièce, où je n’entrerai pas, et qui semble être à la fois le coin cuisine et la chambre à coucher. Dans un coin de la pièce, trois enfants jouent aux Legos. Les Legos sont abondants et ont l’air neuf. On entre, on salue. Je me présente. C’est la première fois que je dois formuler les questions en arabe je demande à mes deux complices de l’O.N.G. de m’aider par moments. Hugo s’est échappé, il est allé faire le tour du camp avec son appareil photo. La dame qui nous accueille, appelons-la Najwa, est très chaleureuse, très accueillante, prête à parler. Elle est soulagée quand je lui dis que je filmerai seulement ses mains. Elle est handicapée d’une jambe, donc tient être assise sur une chaise en plastique, parce que c’est plus confortable ou moins douloureux je ne sais pas. On relève les tissus pour que la lumière permette de filmer un peu. J’explique le projet, le protocole de l’interview et puis on démarre.
Si elle semble affectée par le fait d’avoir perdu cette mobilité, cette autonomie, en même temps elle donne l’impression d’en avoir gagné d’autres. Elle parle aisément des nouvelles connaissances faites dans cette nouvelle vie. Pour elle c’est évident, il n’y a pas de différence entre les Syriens et les Libanais. Elle évoque avec affection cette famille libanaise qui n’a cessé de l’accueillir et de l’aider, et qu’elle considère aujourd’hui comme une deuxième famille.
À travers toutes ces difficultés, Najwa s’est découvert une force et un courage qu’elle ne pensait pas avoir. Et on la croit quand on voit avec quelle vivacité elle fait face à la situation. Elle évoque la chose principale découverte au cours de cette expérience de réfugiée : sa volonté et son aptitude à aider les enfants. Elle n’a pas eu d’enfants, mais a épousé un homme qui en avait déjà. Elle s’est mise à aider les enfants de son mari, puis les enfants du camps autour d’elle. Plusieurs fois par semaine, elle les accueille dans sa maison autour d’activités ludiques et pédagogiques, qui sont soutenues par les ONG (je comprends maintenant la présence des enfants et des Legos neufs en abondance à notre arrivée). Najwa a construit une identité sociale nouvelle, on sent qu'elle bénéficie d’une reconnaissance, de la part de son mari, des habitants du camp comme des intervenants humanitaires. A la fin de l’entretien, son amie et voisine libanaise vient nous saluer. L’atmosphère est légère et chaleureuse.
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AuteurLeyla-Claire Rabih est metteur en scène et traductrice. Formée à la mise en scène à Berlin, elle travaille en France et en Allemagne et axe son travail autour des écritures contemporaines. Elle dirige la compagnie Grenier/Neuf, installée à Dijon. De 2011 à 2018, elle co-dirige, avec Frank Weigand, « SCENE», anthologie de textes de langue française traduits en allemand. Depuis 2013, elle travaille autour de la Syrie et crée Chroniques d’une révolution orpheline, à partir de trois textes de Mohammad Al Attar. Archives
Octobre 2018
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